En dix ans, la collecte de la taxe de séjour à Marseille n’a cessé d’augmenter, passant de 2,5 millions en 2015 à 12,48 millions d’euros en 2023. Une augmentation moyenne d’un million d’euros par an, hors pandémie, collectés auprès de toutes les personnes de passage dans des hébergements touristiques marchands, exceptés quelques cas comme les mineurs et les mises à l’abri.
Pourquoi la ville de Marseille applique-t-elle une taxe de séjour?
Depuis la loi du 13 avril 1910, la taxe de séjour peut être adoptée par les collectivités locales. Elle concerne les personnes qui séjournent dans des hébergements touristiques marchands de la commune. Les collectivités votent son montant dans des limites fixées par la loi de Finances. Aujourd’hui plus de 80% des communes sont concernées.
Au niveau national, depuis la réforme de 2015 – hors pandémie -, le montant collecté croît de 10% chaque année.

Historiquement, c’est en 1902, que Marseille s’est dotée d’un syndicat d’initiative afin de renseigner les visiteurs y séjournant pour leurs affaires ou en villégiature. Il a été fondé par Paul Ruat, libraire et cofondateur de la Société des excursionnistes marseillais. Le syndicat d’initiative est une initiative privée portée souvent par des habitants, contrairement à l’Office du tourisme qui est institué par la collectivité.
Il existe toujours à Marseille un Syndicat des Initiatives de l’Estaque et du bassin de Séon porté depuis 2018 par des habitants de l’Estaque et plusieurs organisations locales : CIQ de l’Estaque-Plage, Centre social, Association des Riaux, … . Il est situé dans les locaux de l’éphémère antenne de l’Office du tourisme en 2013 à l’Estaque.
En 1966, Marseille s’est dotée de son propre Office Municipal de Tourisme. Aujourd’hui, l’Office du tourisme est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Il est administré par un comité de direction composé majoritairement d’élus ainsi que de socioprofessionnels.
Depuis janvier 2023, la Ville de Marseille a en charge la compétence tourisme, jusque-là déléguée à la Métropole, et réfléchit depuis à un nouvel usage et une nouvelle gouvernance de l’Office du tourisme et donc de la taxe de séjour. Elle a annoncé annonce sa volonté de promouvoir un tourisme durable et populaire.
À quoi sert cette taxe de séjour?
De part la Loi, le produit de la taxe de séjour est affecté aux dépenses destinées à “favoriser la fréquentation touristique de la commune” (Article L2333-27) : travaux d’amélioration de l’espace public, campagnes promotionnelles, évènementiels, …
La taxe de séjour appliquée à Marseille est composée de la part communale à laquelle s’ajoute une taxe additionnelle de 10% au profit du Département et depuis 2023 une taxe additionnelle de 34% à destination de la Société de la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur afin de reconfigurer le réseau ferroviaire régional. La part communale est reversée intégralement à l’office de tourisme de Marseille.
Le budget prévisionnel de l’Office du tourisme de Marseille pour 2024 est de 9,5 millions d’euros financés à 82% par la taxe de séjour (délibération Conseil municipal 24/0008/AGE). L’Office du tourisme mène des actions de promotion touristique, de commercialisation et d’accueil de la clientèle touristique nationale et internationale. Il s’adresse aux touristes, aux professionnels du tourisme et aux investisseurs.
Qui d’autre que les touristes paie la taxe de séjour?
Beaucoup de personnes de passage à Marseille pour des raisons autres que touristiques logent dans des hébergements touristiques marchands et s’acquittent de la taxe de séjour, sans pour autant être forcement destinataires des actions qu’elle finance : informations, cartographie, promotion, formations, ….
En dehors des touristes venus pour les loisirs ou en congrès à Marseille, principales cibles de l’office du tourisme, les autres personnes de passage en hébergement touristique, sont des étudiants qui viennent passer un entretien, réaliser un stage ou s’installer à Marseille, des aidants qui accompagnent un proche hospitalisé dans l’un des nombreux hôpitaux et cliniques de Marseille, des travailleurs détachés, en formation ou en contrat temporaire dans une entreprise marseillaise, des artistes en représentation dans un lieu culturel et les techniciens qui les accompagnent, des familles en parcours migratoire…
Lorsqu’elles ne peuvent pas loger chez des proches ou dans les établissements qui leur sont dédiés, souvent complets, comme les foyers de jeunes travailleurs, les maisons des aidants, les centres et aires d’accueil ou les résidences universitaires, ces personnes se tournent vers les hébergements touristiques : les hôtels, auberges de jeunesse, chambres d’hôtes, gîtes urbains, locations courte durée et autres hébergements marchands.
Des hébergeurs touristiques connaissent bien ces personnes, certains en ayant même fait leur principale clientèle. Nous avons commencé à détailler leur situation et leur importance dans un précédent article : Marseille l’hospitalière.
Combien payent la taxe de séjour sans pour autant en bénéficier pleinement ?
Il n’existe pas de données à l’échelle nationale comme locale sur le nombre de personnes hors touristes qui séjournent dans des hébergements touristiques marchands et paient la taxe de séjour. En 2024, le réseau national des gîtes de France, fort de ses 50 000 hébergeurs, estimait que 14% de sa clientèle était composée de non touristes.
Les 25 hébergeurs touristiques réunis au sein de la coopérative Hôtel du Nord collectent plus de taxe de séjour auprès des personnes de passage pour des motifs non touristiques qu’auprès des touristes qu’ils accueillent.

Quels sont les différents taux de taxation appliqués?
Si à Marseille le taux maximum de la taxe de séjour est appliqué aux hébergements de moyenne gamme (2 et 3 étoiles) où séjournent souvent les autres personnes de passage, ce n’est pas le cas des hôtels de luxe (4 et 5 étoiles) et des locations courte durée qui sont taxés sous le seuil maximum autorisé par la Loi.
La révision de cette fiscalité dépend de la Ville de Marseille : un alignement de la taxe de séjour sur le taux maximum pour les hôtels de luxe et la location courte durée représenterait potentiellement une marge d’un million d’euros de collecte en 2022. L’augmentation serait globalement inférieure à l’euro par nuitée et par personne.
À cela s’ajoute que les hébergements touristiques non classés comme les nombreux hôtels dits “de Préfecture” très présents à Belsunce et les auberges de jeunesse, sont taxés au pourcentage, ce qui amène parfois leurs clients à payer la taxe de séjour maximum autorisée, au même niveau que les hôtels haut de gamme.
Est-il possible de financer une politique d’hospitalité grâce à la taxe de séjour?
Nous avons pour cela interrogé des juristes et la Cour régionale des comptes sur l’usage et l’affectation de la taxe de séjour.
Nous leur avons demandé si « Dans la mesure où la taxe de séjour sert de par la Loi à “promouvoir la fréquentation touristique” et est collectée auprès de toutes les personnes de passage dans des hébergements touristiques marchands, à quelques rares exceptions, une commune peut-elle légalement faciliter la « fréquentation » des hébergements touristiques et d’autres activités touristiques par les “autres” personnes de passage au-delà des seuls touristes actuellement pris en compte (congressistes, loisirs) ? ». La réponse est oui.
La taxe de séjour peut financer des missions d’accueil, d’information, de promotion, de coordination des acteurs locaux à destination des autres personnes de passage qui participent à la fréquentation touristique.
Une partie peut être affectée à l’accueil des autres personnes de passage à Marseille comme ailleurs. De plus, de par la Loi, un office de tourisme « peut, en ce qui concerne l’accueil et l’information, déléguer tout ou partie de cette mission aux organisations existantes qui y concourent. ». Pourquoi pas une maison des hospitalités ?