Quel accueil des touristes élégant·es ?

Touristes élégants, voyageurs de goût, aristocrates, stars mondiales, amoureux du luxe, … comment ont-ils été accueillis à Marseille dans le passé et comment sont-ils accueillis aujourd’hui?

Au 17ème et 18ème siècle, Marseille fait partie du Grand Tour, un long voyage effectué par les jeunes aristocrates européens pour parfaire leur éducation. Souvent accompagnés d’un tuteur, ces jeunes aristocrates partent à la découverte de l’Europe. Le Grand tour a donné son nom au tourisme.

Au milieu du XIXème siècle, de grands palaces s’installent au centre-ville de Marseille et proposent aux riches voyageurs un confort moderne haut de gamme : bains à tous les étages, lumière électrique toute la nuit, ascenseur, restaurant de premier ordre.

La liste est longue : Grand hôtel de Noailles et métropole de « réputation européenne », Grand hôtel du Louvre et de la paix, Grand hôtel de Marseille, Grand hôtel de Provence, Grand hôtel des colonies, Grand hôtel des princes, Grand hôtel Beauveau, Grand hôtel de Russie, … (Guide Joanne 1902).

Carte postale Régina hôtel, Rue Impériale (devenue Rue de la République).

En 1838, Stendhal publie Mémoires d’un touriste, un recueil de récits de voyage où il va populariser l’usage du terme « touriste » et il va raconter notamment son séjour à Marseille.

« Marseille, 1837 … Enfin, j’arrive à l’arc de triomphe, situé sur une hauteur, à l’entrée de la ville, à peu près comme l’arc de l’Étoile à Paris. On laisse sur la droite, avant d’y parvenir, le fameux Lazaret qui fait la sûreté de la Provence.

De l’arc de triomphe, l’œil plonge dans le Cours : c’est un magnifique boulevard planté de deux rangs de vieux ormeaux. Le Cours est beaucoup plus bas que l’arc de triomphe, comme les Champs-Élysées à Paris.

Avant d’y arriver, on descend une rue rapide. Le Cours s’avance ensuite jusqu’un peu au delà de la Canebière, la principale rue de Marseille. À ce point, commence la belle rue de Rome, qui se termine par un obélisque placé vis-à-vis l’arc de triomphe.

La ligne droite formée par les rues et le Cours a bien une demi-lieue. La population fourmille dans le Cours bordé de belles maisons, et l’on a tout de suite l’idée d’une grande ville. »

Stendhal, Mémoires d’un Touriste, 1838

Au début du 20ème, le cours Belsunce voit s’installer le Touring-Hôtel, recommandé et médaillé par le Touring-Club de France qui va jouer un rôle essentiel dans la promotion du tourisme en France.

Le Touring-Club de France (TCF) représente au début du siècle passé les « nouvelles élites urbaines », ingénieurs, avocats et directeurs d’usine qui souhaitent voyager dans le confort moderne.

Les membres du Touring-Club de France côtoient les « voyageurs, fonctionnaires célibataires, officiers de la garnison, voyageurs de commerce » qui disposent « d’un budget annuel fixe, souvent très limité, qu’ils peuvent rarement dépasser et que du fait même de leur accoutumance, ils ne sauraient se montrer trop exigeants. On comprend que les installations rudimentaires dont se contentent ces catégories de clients ne peuvent suffire aux touristes élégants » (revue Tourisme Moderne en 1920).

Façade du Touring-hôtel, Cours Belsunce. Image Prosper Wanner

Le TCF comptera jusqu’à 700.000 membres : « Le TCF a pour vocation d’aménager l’espace national comme un espace de loisir dont ses membres sont les premiers usagers » (Sociologie du tourisme).

Le Touring-hôtel, dont la plaque est encore visible sur le Cours Belsunce, se conforme aux recommandations du Touring-Club de France et fait la promotion de ses chambres hygiéniques avec lavabos à eau chaude et froide, sa lumière électrique et son ascenseur.

Au 21ème siècle l’offre touristique haut de gamme à Marseille va se développer à nouveau sous l’impulsion des pouvoirs publics.

Si en 2000, les médias racontent que George Clooney venu à Marseille présenter son Film En pleine tempête avait dût aller dormir sur la Côte d’Azur, faute de chambre « à la hauteur de sa classe » sur le Vieux-Port, la situation a bien changé.

Depuis 2010 le nombre de chambres en hôtels haut de gamme a triplé. En 2024 la ville compte 2.855 chambres classées 4 et 5 étoiles, soit 40% des 7.198 chambres d’hôtel.

Le nombre de restaurants classés au Gault&Millau a quadruplé pour atteindre 91 restaurants classés en 2023. Georges Clooney peut revenir à Marseille et trouver une chambre « à la hauteur de sa classe » avec pas moins de trois hôtels classés cinq étoiles sur le Vieux-Port de Marseille. 

Évolution des chambres d’hôtel classées à Marseille. Source Observatoire du tourisme de l’Office du tourisme.
Carte postale, hôpital hôtel Dieu, devenu Hôtel Intercontinental.

« Vitrine de luxe marseillais« , l’hôtel Intercontinental a fêté ses 10 ans d’ouverture en 2023.

Il propose à une clientèle pour moitié internationale 15 suites et 179 chambres pour des tarifs allant de 250 à 1500 euros la nuit.

« Dans une ville où l’on ne descend pas dans n’importe quel établissement sans s’être préalablement renseigné au préalable, l’Intercontinental Marseille fait figure de vieille dame rassurante, de ces adresses où l’on pose ses valises avec la certitude d’être un voyageur de goût. » (Le Figaro, avril 2024).

Plusieurs projets d’ouverture de nouveaux hôtels haut de gamme (4 et 5 étoiles) sont annoncés dans la presse. Le groupe allemand Ruby Hotels devrait ouvrir à Marseille son premier établissement en France et proposer 237 chambres de « luxe abordable » au Boulevard des Dames. Le groupe Constructa a lancé les travaux de la tour M99 pour y ouvrir en 2028 le premier hôtel DoubleTree by Hilton avec une offre haut de gamme de 130 chambres.

Il restera à concilier l’activité de ces hôtels haut de gamme dont la clientèle est en grande partie internationale (à partir de 4 étoiles, elle l’était majoritairement en 2018 selon l’INSEE) avec les recommandations de l’Ademe de promouvoir un tourisme plus sobre et moins lointain pour respecter les accords de Paris et réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre du secteur touristique entre 2018 et 2035.

En 2023, la Ville de Marseille a récupéré la compétence tourisme et a annoncé sa volonté de promouvoir un tourisme populaire et durable. A suivre.

Tableau (nombre de chambres)

Classement2010201520202023
1 étoile1067273101189
2 étoiles1500144115541098
3 étoiles1240195622842455
4 étoiles1063158422732490
5 étoiles134364364365
Total5004561865766597

Sources

Un enquête menée avec l’aide de la SCIC Les oiseaux de passage.

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