La dia-logique du dia-ble. Récit entre Patrimoine et hospitalitéS

Dés que j’entends le mot Patrimoine et que sa majuscule surgit je laisse toujours trainer une grande oreille flottante tout autour.

Même en 2025, même et surtout en conclusion d’ateliers collectifs, je reste toujours curieuse d’entendre comment se parle, comment se transforme ce mot à double fond. Je fais l’écouteuse depuis longtemps vous le savez, j’en ai la charge depuis les celtes qui m’appelaient « oreille de la terre ». Aujourd’hui, là, à coté de leur gare, je ne fut pas déçue de me laisser flotter. Voici quelques bribes de leurs polyphonies cueillies pour la généalogie grammaticale que vous continuez de conserver. Je vous les laissent en langage 2025. Vous allez vite reconnaitre le français universitaire et artistique de l’époque. Vous allez sourire de leurs tics mais aussi voir leurs nouveautés joyeuses.

Pour le rythme, le signe / voudra dire interruption de parole souvent pic d’émotion.

Le signe vous dira où il y a des parties zappées.

– Je te dis qu’il faut mettre une majuscule à Patrimoine pour marquer au fer rouge son appartenance à l’UNICITè. La philosophie, la religion du grand UN est toujours d’actualité en Occident. N’ai pas honte ! C’est notre histoire, notre sac à dos et nous les femmes avons mis deux millénaires pour nous arracher à cette religion du UN qui continue de nous rabougrir y perdant toute spiritualité.

– Pas seulement des filaments mais un désir inconscient de Dieu unique dés que nous sommes en représentation ou en politique et ici nous sommes dans les deux

– Je vous rappelle le but de nos ateliers : préparer le forum du 4 juin 2025 avec la Ville de Marseille, son univers étrange et impitoyable avec plein de Majuscules devenant même des acronymes, des maniaqueries dans les mots

– Oui oui nous ne sommes pas stupides, nous avons juste des difficultés à construire le dialogue, « la dia-logique du dia-ble », difficile de parler concomitamment tous les sens d’un mot. 

– Peut être que ces difficultés sont le sujet même de ce que nous mettons en scène : l’Hospitalité. La vue de l’autre, la traduction du langage de l’autre, l’aller-retour de hôtes à hôtes, le même mot pour dire les deux fonctions recevoir et offrir   

– Allez Zou arrêtons la liste des majuscules, gardons grand P pour notre héritage et mettons le petit h pour hospitalité mais avec un s en finale pour matérialiser l’entrée en scène du multiple, du « dia ».

– Oui faisons aussi glisser le sens du s de la fin d’hospitalités en un S majuscule.

– OK mais que faisons nous du ? Patrimoine-hospitalitéS ? Il porte sur le rapport des deux mots ou sur le glissement inventé des majuscules ou est il une coquetterie inutile?

– Inutile donc ! et si je traduis, Patrimoine serait la forme première des hospitalitéS et de leurs rites /

– Oui et cela commence à votre naissance chère amie. Bienvenue dans le monde de l’air des poumons et du cris ! Comment croyez vous que l’on quitte la matrice et l’eau bienheureuse ? En premier vous passez votre crâne, sa voute parfaite s’emboite et imprime la voute céleste particulière au lieu et à l’instant de votre naissance. C’est l’hospitalité du monde, celle des planètes. Salut petite, bienvenue au monde. Transmission continue du patrimoine stellaire par ses signes zodiacaux diraient les chinois

– Je vois une hospitalité en ce même temps : bienvenue dans la généalogie familiale. Dés que vous êtes entièrement sorti de l’eau maternelle vous recevez un nom de famille à vous de ne pas le perdre et en chercher l’histoire, votre place dans l’arbre généalogique. Pareil pour le prénom qui va faire revivre un parent souvent lointain. Bienvenue dans une humaine hospitalité /

– Qui est souvent le bracelet plastique de l’hospital. C’est votre patrimoine au nom du père. C’est votre première identité inscrite dans le livret de famille suivi par la médaille de baptême et toutes les autres eaux de remplacements, dont la toilette. Puis la circoncision et les autres rites de transmission et de passage dans le patrimoine religieux hérité.

– N’oublie pas la patrie patrimoniale. Oui, je vois une personne qui est déjà en train de courir inscrire cette naissance dans les tables décennale de l’État Civil gardée dans un bâtiment marqué d’un fier R.F. en façade. /

– C’est quoi RF en façade ? La République Française ?

– Oui ! le lieu matériel où va se coller symboliquement ce nouveau corps apparu. Vous venez de faire patrimoine commun. C‘est l’hospitalité municipale. Elle est citoyenne

– Donc on enlève ce point d’interrogation c’est un rapport liquide, limpide, pas de pléonasme.

– Hospitalité des planètes, de la famille, hospitalité des co-religionaires, hospitalité nationale et communale, tout cela dans le même instant en passant juste le crâne hors de l’eau première ; c’est incroyable ! Nous n’avons pourtant rien demandé et nous voilà collé aux autres, faisant corps par la magie du symbolisme du don et contre-don. C’est cela que transmet le patrimoine quand on tient compte de toutes ses dimensions.

– C’est cela que nous avons oublié /

– DONC nous devons faire vivre un corps à corps de hôte à hôte.

– Tu as raison, nous devons être hôte recevant et hôte reçu pour travailler à la réussite du forum du 4 juin ; y inventer chacune et chacun notre place. En même temps nous devons apprendre à travailler entre corps d’individus et corps institués. Nous ne connaissons même pas la culture d’entreprise de ce corps institué fait de fonctionnaires et d’élus du municipalisme marseillais /

– Appelons cela une école de citoyenneté, on aura moins peur.

– Tiens lis ça : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Cette phrase est l’Article XII de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen daté de 1789. Elle est placée en page de garde d’un roman de Dominique Manotti. Elle a écrit Marseille 1973, elle aussi est sur nos pistes, entre Patrimoine hospitalitéS et Marseille hospitalitéS.

– Le patrimoine comme la force publique sont « institués », que sont ces institutions ? Nous commencerons à cuisiner nos ingrédients en cherchant les réponses.

– Revoilà notre fameuse colle, la doxa symbolique, jusqu’à mourrir pour la patrie ! Nous devons à Jules Ferry d’avoir dés 1880 constitué ce corps de doctrine administrative en triangle. D’avoir institué un truc qui fonctionne encore aujourd’hui : Un tripode reposant sur l’instruction primaire, laïc, gratuite et obligatoire, lois votées en 1881 et 1882, sur l’empire colonial de la République comme réserve d’avenir et sur l’administration du patrimoine et des musées comme Trésor commun, réserve inaliénable dont le décret d’application passera, discrètement à la marge, devant la Chambre des Députés. Ce Trésor inaliénable est pourtant la clef de voute du système ; il prend toute l’économie à contrepied

– Voici donc la fondation des deux lettres R.et F., fièrement gravées sur les façades qui accueillent le corps social. Façades des écoles des gares des musées et, du port de Marseille, le port colonial de la République/

– C’est la religion industrialiste inventée par les Saints Simonien, non ? L’autre hospitalité, celle de l’économie, la plus secrète et active

– Je te donne un exemple, les tufs des Aygalades ! Cette réserve d’avenir, vieille de millions d’années est le patrimoine de la terre, du ruisseau et du règne végétal ; ces TUFS du nord de Marseille, sont le SPOT international des géologues, ces TUFS sont maintenant la métaphore, l’emblème du HUB international, gigantesque, la réserve de données numériques qui machine dans le port, juste en contre-bas, dans la base sous marine et ces machines refroidissent grâce à l’eau de la Galerie de la Mer et des mines de Gardanne. /

– Nous ouvrons les yeux, c’est le retournement, Saint Paul en est tombé de cheval, sur le chemin de Damas.

La morale de ce récit s’impose comme un slogan vivant : le 4 juin n’est pas un forum, ni une date, c’est LE prétexte pour créer en commun grâce à nos différences patrimoniales retrouvées et dialogués durant toutes les rencontres de préparation, en amont.

 Ainsi, le port est, par la magie de nos généalogies, le port du management du monde, le port du 4 juin. Ainsi les trois balades de la spéléophonie de mars à juin sont la musique du 4 juin. Ainsi une image du 4 juin peut se cristalliser dans le double sens de la célèbre sculpture de Richard Baquié, « Nullepart est un en-droit ». Et ainsi de suite. Parce que nous sommes déjà toutes et tous les hôtes reçu.e.s et les hôtes recevant du 4 juin 2025.

Christine Breton. Conservateur honoraire du Patrimoine. Arlebosc, février 2025

Image R.Baquié avec l’autorisation du Macval.

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